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Grandes marques et consommateurs : histoire d’un désamour

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Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ! Fini le temps de la confiance, le consommateur veut des preuves et sa volonté est renforcée par une multitude d’initiatives qui confortent sa légitimité d’en savoir plus : Yuka, Open Food Facts, QuelCosmetic, le Nutriscore74% des français se renseignent sur internet sur leur alimentation et 65% sont très attachés à la composition des aliments. Pourquoi cette suspicion ? Le plus souvent, on l’explique par les scandales sanitaires largement médiatisés. Mais on pourrait aussi y ajouter d’insidieux coups de canif dans le pacte de confiance…

  • La provenance des matières premières qui cesse de venir de France au profit de l’étranger et le plus souvent de pays moins regardant sur la qualité. Tandis que 50% des consommateurs français s’intéressent aux étiquettes de dos de pack, ils peuvent lire sur un produit très quotidien « Provenance de pays de l’Union européenne et hors Union européenne ». Ce qui pourrait presque tenir de la blague s’il ne s’agissait d’un produit alimentaire,
  • Le « Downsizing » auquel beaucoup d’industriels ont eu recours. C’est vrai, il ne s’est pas traduit pas des baisses significatives des sorties caisse. Par contre, il n’est pas d’interview de consommateurs où l’on n’entende la défiance des consommateurs à ce sujet,
  • Le budget publicitaire qui a été basculé en budget promotionnel parce que le retour sur investissement est beaucoup plus rapide. Personne n’a-t-il alerté les décideurs sur l’effet pervers de la promotion qui dégrade l’image de la marque et qui brouille le prix ?
  • Ou encore la guerre des prix, la proportion trompeuse d’un packaging…

… Toutes ces raisons ont créé cette croyance que les marques et celles qui les distribuent s’entendent pour gagner le plus d’argent possible sur le dos des consommateurs.

Et soudain les consommateurs ont émergé d’une longue léthargie !

Si en 2010, 48,3% des français faisaient confiance aux marques, ils ne sont plus que 27% aujourd’hui. Les marques n’ont pas vu arriver cette dégringolade ni la lame de fond qui grossit au fil des mois dans le monde de la Grande consommation : les tendances du manger sain, manger mieux, manger équitable, manger responsable, … dont le succès du Bio n’est qu’un augure. Presque aussi brutalement, les marques se sont retrouvées sous pression : en premier lieu, les ONG et les médias qui montrent les marques du doigt en levant le voile sur leurs pratiques douteuses ; l’état qui, sommé d’agir, n’a d’autre moyen que « passer la balle en retrait » aux industriels ; et de plus en plus, les consommateurs. Internet leur a permis de devenir des influenceurs ou des lanceurs d’alerte. Tout se sait et se communique à la vitesse de la lumière. La propagation virale d’informations (vraies ou fausses) peut détruire l’image d’une marque en un temps record.

Certains se demandent si cette suspicion et cet engouement pour le sain, le durable, l’équitable et le bien-être animal ne sont que des modes qui vont s’essouffler. C’est vrai, chaque année, dans les études sur la consommation on nous annonce une nouvelle tendance : le prix, l’ultra plaisir, le bio… Mais 2019 n’est pas une année comme les autres : il faut regarder la consommation d’une manière holistique : les consommateurs sont aussi des spectateurs, des citoyens ou encore des patients ! Ils entendent chaque jour que leurs modes de consommation auront un impact irréversible sur la planète… Mais aussi sur leur santé : 79% des français jugent que leur consommation peut avoir un effet néfaste sur la santé. Impossible de crier au complot car les preuves se constatent déjà dans la vie de tous les jours. Aussi, face à l’inaction des pouvoirs publics, finissent-ils par prendre leur destin en main et voter chaque semaine avec leur carte bleue plutôt qu’avec leur carte d’électeur.

Mais qu’est-ce qu’elle a de plus que moi ?

Autre conséquence de cette défiance envers les grandes marques, le consommateur est devenu versatile et se tourne vers de nouveaux acteurs dont le discours lui parait plus sincère et l’identité plus en ligne avec ses aspirations : le bio se conjugue avec le local, l’équitable ou encore le bien-être animal.  Mais pourquoi les nouvelles marques seraient-elles les seules à être capables de mettre en œuvre un système vertueux ? Constat cruel, les unes sont vierges de tout passé ambigu ou polémique ; tandis que les autres sont tributaires de leur modèle économique et vont devoir donner de nombreuses preuves de leur nouvelle vertu avant de renouer avec une forme de confiance.

Nouveaux joueurs, nouvelle partie : le marketing d’expérience

Autre facteur d’éloignement entre les marques et la Demande, la consommation change ! Le nomadisme, la fragmentation des prises alimentaires, la nouvelle convivialité ajoutés à la révolution digitale ont créé des nouveaux besoins et une nouvelle relation aux marques. les jeunes générations ont déjà imposé à leurs aînés le changement de paradigme : d’un marketing d’offre, nous avons basculé dans un marketing d’expérience. Deezer, Netflix, Air BnB, Uber ont rendu caduque et même désuète la notion de possession simplement matérielle. Les consommateurs veulent vivre une expérience aussi quotidienne soit-elle.

Consommation alimentaire : le retour de flamme

Mais point de défaitisme ! L’industrie agroalimentaire doit voir le présent comme une formidable opportunité : la nourriture redevient un centre d’intérêt majeur pour les consommateurs, à la fois sujet de discussion et marqueur d’appartenance sociale.

On comptabilise dans le monde…

  • 1 milliard d’interactions par mois sur Facebook
  • 250 millions de posts (38% de instagrammers visionnent du contenu food et 27% en partagent) sur Instagram
  • 2 milliards de recettes partagées (Plus de 100 millions de « Tableaux » y sont recensés autour du manger) sur Pinterest
  • Tandis que sur Youtube, c’est la 5ème catégorie la plus regardée dans le monde

La France ne déroge pas…

  • 2,1 millions de tweets autours de l’alimentation sur Twitter

Tout aussi valorisant pour l’industrie agroalimentaire, tous ces jeunes cerveaux bien faits qui renoncent à des carrières dorées pour se lancer dans la « Food tech » ou la « Food » tout court : dans la Silicon Valley, l’un des premiers secteurs de recherche actuellement est l’agroalimentaire. Plus près de nous, on assiste quotidiennement à de nouvelles naissances : fermes urbaines, commerces Zéro emballage, boissons aux ingrédients Superfood…

Après tant d’année, il faut faire le bilan

Actuellement, on voit fleurir de partout des engagements vertueux. Cleaning de l’offre actuelle ou innovations « vertes ». Un conseil : pas de précipitation ! les marques ne peuvent s’offrir le luxe d’une versatilité sans fondement. Elles doivent puiser dans leur ADN et faire d’abord leur bilan à 360° avant de décider de leurs nouvelles orientations.

On ne saurait trop recommander aux dirigeants d’entreprise de réaliser un diagnostic en profondeur de leur marque sous toutes ses facettes, à savoir, tout ce qui l’a façonnée au fil des décennies : son terroir, sa genèse, son offre actuelle et passée, les hommes et les femmes qui la font vivre, son outil industriel, ses sources d’approvisionnement, ses modes d’expression quels que soient leurs formes… Cet exercice d’introspection permettra d’identifier les jalons du nouveau cap à suivre pour les prochaines années.

Rome ne s’est pas faite en un jour ! On comprendra que les marques ne puissent afficher une vertu sans faille du jour au lendemain du fait des investissements conséquents qui seront nécessaires. Il faut s’accorder du temps pour les changements et en gagner en affichant d’ores et déjà tout ce qui est bien fait. Mais le maître mot doit être la sincérité. Le « Green washing » peut avoir son effet de mode mais le retour de bâton sera d’autant plus fort s’il ne s’appuie pas sur de vraies « Raisons d’y croire ».

Bénéfice collatéral d’une démarche vertueuse, les marques sont gérées par des hommes et des femmes qui – à leurs heures perdues – sont aussi des consommateurs et des parents. Là encore, nous mesurons à quel point la motivation des équipes en interne est grande lorsque les sujets traités concernent l’environnement, les nouveaux usages, les nouvelles filières…

OA