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Fin du monde, encore une mission pour Marketor !

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Inoxydable marketing

Il y a quelques mois, certains observateurs s’interrogeaient sur l’avenir du marketing dans une société en mal de pratiques vertueuses. Aussi lisait-on « Le marketing sera responsable ou ne sera pas ». Dénigré pour contribuer à tous les maux de notre société – 62.2% des français pensent que le marketing a une incidence négative sur l’environnement – voilà qu’il se retrouve pourvoyeur en chef des « bonnes pratiques » qui alimentent les rayons de nos magasins.

Que s’est-il passé ? Plutôt que regarder les trains de la transition alimentaire passer, ils ont su jouer des coudes pour conserver leur pré-carré : l’innovation. Il est vrai que les équipes marketing possèdent des atouts pour cela : la connaissance des marchés, l’expertise de chaque levier du Mix et surtout l’art de séduire les consommateurs. C’est bien là leur prouesse : séduire les consommateurs avec des sujets austères voire abscons : « Zéro résidu de pesticides », « Sans nitrite », « Haute valeur environnementale » … Avec du recul, des arguments qui laissent dubitatif.

Tandis que les Responsables RSE se trouvent coincés dans une bulle spatio-temporelle

Le succès des uns est mieux compréhensible en analysant les difficultés des autres. Si les responsables RSE font parfois du surplace dans leur mission pourtant bien légitime, il y a de bonnes raisons à cela. En effet, il n’est pas simple d’hériter d’un poste éminemment stratégique, coincés qu’ils sont dans une bulle spatio-temporelle. D’une part, ils n’ont jamais croisé le fer avec les autres décideurs de l’entreprise, à ce niveau de responsabilité ; d’autre part, on leur demande d’imaginer l’avenir tandis que les acteurs qui font vivre l’entreprise s’intéressent au présent.

Que dire encore de cette double injonction ? « Oui changeons de modèle, devenons vertueux » mais n’oubliez pas « Préservons nos acquis coûte que coûte ». Certes, celle-ci n’est pas contradictoire, mais nécessite un strabisme particulièrement divergent pour ces nouveaux stratèges. Malgré tout, on ne peut en vouloir aux dirigeants de tenir un tel discours : comment se soucier de demain, si on ne peut vivre aujourd’hui ?

C’en est fini du « Ripolinage écologique »

Ainsi, ce hiatus entre présent et avenir, laisse-t-il le champ libre à des initiatives plus modestes dont le marketing s’empare volontiers. Les professionnels du lifting et du roulement de tambour depuis 60 ans savent composer avec toutes les sensibilités et tous les intérêts. Confier une mission d’innovation vertueuse à des marketeurs est finalement plus reposant et plus viable pour un chef d’entreprise. Ils sont affutés, ils discutent avec tous les publics en interne et sont capables de revenir par la fenêtre après s’être fait sortir par la porte. Last but not least, il va de soi pour les marketeurs qu’un projet non rentable s’appelle juste un échec avec son corolaire de disgrâce.

Mais parler de marketing responsable est un raccourci de ce qui se joue dans les entreprises. Si le Green washing a été une aubaine en permettant à certaines marques de gommer une face plus sombre, tout se sait ou finit par se savoir : seulement 31 % des Français font confiance aux marques et 80 % demandent des preuves pour croire aux engagements des entreprises. Aussi, en est-il fini du « Ripolinage écologique ». L’outil de travail doit devenir, en tous points, irréprochable : approvisionnements, commerce, logistique, finances et bien sûr production se mettent au diapason d’une gouvernance vertueuse.

Car, les dirigeants ont compris que l’entreprise n’existe plus uniquement pour faire du profit mais également pour supporter une responsabilité sociétale et environnementale. 54% des français souhaitent que les entreprises s’engagent sur des sujets en dehors de leur activité tels que la santé, la pollution, le réchauffement climatique, le partage des richesses… Ils sont 80% à vouloir aider les marques à s’améliorer. Très pragmatiques, les entreprises vont saisir cette occasion pour un travail de fond avec leurs consommateurs. Nul doute que les marketeurs vont orchestrer cela afin de renforcer l’Equity à leurs marques.

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs »

Côté consommateurs, le terrain est propice à l’émergence d’une industrie vertueuse. Les européens manifestent une inquiétude grandissante : le dérèglement climatique (42%), la pollution de l’eau (36%), les déchets plastiques (34%), la pollution de l’air (33%) et la déforestation (28%). D’où viennent ces préoccupations ? N’imaginons pas que 60 millions de français sont abonnés à « Environnement magazine ». La télévision est le média N°1 de la cause écologique. Pour ceux qui ont connu les chaines « Antenne 2 » et « FR3 », que de changements en 30 ans. Auparavant, il n’était pas de bon ton de décrire les désordres environnementaux. Cela était déprimant donc mauvais pour l’audience. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Aujourd’hui, le développement durable, la santé et les pratiques vertueuses sont des thèmes omniprésents. Lors de la dernière décennie, la part dédiée à l’écologie a été multipliée par trois à la télévision et dans la presse écrite. Les citoyens en redemandent. 53% des français estiment que les médias et les journalistes n’accordent pas assez de place aux sujets sur le changement climatique.

Evidemment, ajoutons à la télévision, le média des « Digital natives » : internet. Les réseaux sociaux et les blogs font énormément avancer la cause verte auprès de la « Gen Z ». Le mot « Ecologie » a vu son usage multiplié par 800 sur la toile durant ces 10 dernières années. Les associations de défense en tous genres l’ont bien compris et bien utilisé. Ce n’est donc pas un hasard, si les plus jeunes sont aussi les plus sensibles à la cause environnementale.

L’écologie oui mais le plaisir toujours !

Mais attention à ne pas mettre le cap trop brutalement vers une offre exclusivement responsable. En effet, les marketeurs connaissent bien cette mécanique : dépenser pour s’apaiser ! Plus les situations sont difficiles, plus la charge mentale nous fatigue et nous stresse. Seule la surprise et l’émerveillement peuvent nous apaiser. Pour quelques-uns, un coucher de soleil, le bruit des vagues ou un concerto pour clarinette & hautbois de Mozart font l’affaire.  Pour la grande majorité d’entre nous, les biens de consommation courante suggérant le plaisir et la fierté sont nécessaires pour retrouver une forme de sérénité.

Les marques de l’agroalimentaire ne s’y trompent pas. Si le végétal, la santé et l’écologie sont des axes d’innovation qui montent en puissance, ils restent bien loin du thème N°1 : le plaisir, avec 46% des nouveaux produits à l’échelle mondiale. Aussi, l’erreur serait de penser que les axes RSE sont le nouveau Graal des consommateurs. Nous sommes (presque) tous d’accord pour contribuer au bien-être collectif et à la pérennité des générations futures. Toutefois, ces motivations s’additionnent mais ne remplacent pas celle du plaisir ethnocentré.

La crise sanitaire comme accélérateur… et frein à la consommation vertueuse

Il est intéressant d’observer que le virus qui a frappé la terre entière, a aussi provoqué une accélération des tendances de consommation vertueuse. Dans de nombreux pays, notamment chez les occidentaux, les consommateurs montrent un appétit croissant pour les produits bruts 67%, les produits locaux 65%, les produits équitables 49%… D’ailleurs, trois quarts des français considèrent que la crise sanitaire est l’occasion de mener une politique de transition écologique plus ambitieuse.

A contrario, les effets collatéraux de cette crise commencent à se faire sentir : raréfaction des matières premières, retour de l’inflation, gel des investissements des entreprises. Tous les pays vivent les mêmes phénomènes. Or, ne nous racontons pas d’histoire : manger de bons produits, fabriqués avec des ingrédients naturels provenant d’une agriculture responsable, a un coût. Pour le moment, les ménages continuent à mettre plus de valeur dans leurs achats alimentaires. Mais pour combien de temps encore ? Le spectre de la fin du Monde fera-t-il le poids face à celui de la fin du mois ?

Et la « Gen Z » sauva le monde !

Et qu’en est-il des forces vives des entreprises ? On observe depuis quelques années un phénomène déstabilisant pour les générations aux commandes de notre société : l’élite de la « Gen Z » se détourne des grandes entreprises et choisit des voies plus sinueuses pour lesquelles le « Sens » importe plus que le salaire et le plan de carrière. Il est vrai que certaines sociétés ont mis à distance les plus jeunes par des pratiques parfois délétères : remerciements sans préavis (parfois de leurs parents), pollution de masse, épuisement des ressources, délocalisations… les vitrines des journées portes ouvertes ont du mal à masquer ces pratiques dévoyées.

Aussi, la mise en œuvre d’un projet RSE est une ambition porteuse à plus d’un titre pour une jeunesse en quête d’intégration professionnelle : préserver les chances de survies des écosystèmes et contribuer au bien-être collectif. A l’instar des Avengers, qui n’a jamais rêvé de sauver le monde ?  C’est un fait, 70 % des salariés déclarent vouloir s’impliquer davantage en faveur de la RSE. Tandis que 79% des jeunes appartenant à la « Gen Z » placent la RSE comme critère important dans leurs recherches d’emploi.

Qu’en sera-t-il des motivations écologiques de la génération Alpha qui aura grandi au rythme des catastrophes climatiques du fait de l’activité humaine ? Comment ne pas avoir envie de renverser la table alors que cette génération n’aura jamais vu le Père Noël faire sa tournée sous le moindre flocon de neige ?

OA

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Grandes marques et consommateurs : histoire d’un désamour

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Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ! Fini le temps de la confiance, le consommateur veut des preuves et sa volonté est renforcée par une multitude d’initiatives qui confortent sa légitimité d’en savoir plus : Yuka, Open Food Facts, QuelCosmetic, le Nutriscore74% des français se renseignent sur internet sur leur alimentation et 65% sont très attachés à la composition des aliments. Pourquoi cette suspicion ? Le plus souvent, on l’explique par les scandales sanitaires largement médiatisés. Mais on pourrait aussi y ajouter d’insidieux coups de canif dans le pacte de confiance…

  • La provenance des matières premières qui cesse de venir de France au profit de l’étranger et le plus souvent de pays moins regardant sur la qualité. Tandis que 50% des consommateurs français s’intéressent aux étiquettes de dos de pack, ils peuvent lire sur un produit très quotidien « Provenance de pays de l’Union européenne et hors Union européenne ». Ce qui pourrait presque tenir de la blague s’il ne s’agissait d’un produit alimentaire,
  • Le « Downsizing » auquel beaucoup d’industriels ont eu recours. C’est vrai, il ne s’est pas traduit pas des baisses significatives des sorties caisse. Par contre, il n’est pas d’interview de consommateurs où l’on n’entende la défiance des consommateurs à ce sujet,
  • Le budget publicitaire qui a été basculé en budget promotionnel parce que le retour sur investissement est beaucoup plus rapide. Personne n’a-t-il alerté les décideurs sur l’effet pervers de la promotion qui dégrade l’image de la marque et qui brouille le prix ?
  • Ou encore la guerre des prix, la proportion trompeuse d’un packaging…

… Toutes ces raisons ont créé cette croyance que les marques et celles qui les distribuent s’entendent pour gagner le plus d’argent possible sur le dos des consommateurs.

Et soudain les consommateurs ont émergé d’une longue léthargie !

Si en 2010, 48,3% des français faisaient confiance aux marques, ils ne sont plus que 27% aujourd’hui. Les marques n’ont pas vu arriver cette dégringolade ni la lame de fond qui grossit au fil des mois dans le monde de la Grande consommation : les tendances du manger sain, manger mieux, manger équitable, manger responsable, … dont le succès du Bio n’est qu’un augure. Presque aussi brutalement, les marques se sont retrouvées sous pression : en premier lieu, les ONG et les médias qui montrent les marques du doigt en levant le voile sur leurs pratiques douteuses ; l’état qui, sommé d’agir, n’a d’autre moyen que « passer la balle en retrait » aux industriels ; et de plus en plus, les consommateurs. Internet leur a permis de devenir des influenceurs ou des lanceurs d’alerte. Tout se sait et se communique à la vitesse de la lumière. La propagation virale d’informations (vraies ou fausses) peut détruire l’image d’une marque en un temps record.

Certains se demandent si cette suspicion et cet engouement pour le sain, le durable, l’équitable et le bien-être animal ne sont que des modes qui vont s’essouffler. C’est vrai, chaque année, dans les études sur la consommation on nous annonce une nouvelle tendance : le prix, l’ultra plaisir, le bio… Mais 2019 n’est pas une année comme les autres : il faut regarder la consommation d’une manière holistique : les consommateurs sont aussi des spectateurs, des citoyens ou encore des patients ! Ils entendent chaque jour que leurs modes de consommation auront un impact irréversible sur la planète… Mais aussi sur leur santé : 79% des français jugent que leur consommation peut avoir un effet néfaste sur la santé. Impossible de crier au complot car les preuves se constatent déjà dans la vie de tous les jours. Aussi, face à l’inaction des pouvoirs publics, finissent-ils par prendre leur destin en main et voter chaque semaine avec leur carte bleue plutôt qu’avec leur carte d’électeur.

Mais qu’est-ce qu’elle a de plus que moi ?

Autre conséquence de cette défiance envers les grandes marques, le consommateur est devenu versatile et se tourne vers de nouveaux acteurs dont le discours lui parait plus sincère et l’identité plus en ligne avec ses aspirations : le bio se conjugue avec le local, l’équitable ou encore le bien-être animal.  Mais pourquoi les nouvelles marques seraient-elles les seules à être capables de mettre en œuvre un système vertueux ? Constat cruel, les unes sont vierges de tout passé ambigu ou polémique ; tandis que les autres sont tributaires de leur modèle économique et vont devoir donner de nombreuses preuves de leur nouvelle vertu avant de renouer avec une forme de confiance.

Nouveaux joueurs, nouvelle partie : le marketing d’expérience

Autre facteur d’éloignement entre les marques et la Demande, la consommation change ! Le nomadisme, la fragmentation des prises alimentaires, la nouvelle convivialité ajoutés à la révolution digitale ont créé des nouveaux besoins et une nouvelle relation aux marques. les jeunes générations ont déjà imposé à leurs aînés le changement de paradigme : d’un marketing d’offre, nous avons basculé dans un marketing d’expérience. Deezer, Netflix, Air BnB, Uber ont rendu caduque et même désuète la notion de possession simplement matérielle. Les consommateurs veulent vivre une expérience aussi quotidienne soit-elle.

Consommation alimentaire : le retour de flamme

Mais point de défaitisme ! L’industrie agroalimentaire doit voir le présent comme une formidable opportunité : la nourriture redevient un centre d’intérêt majeur pour les consommateurs, à la fois sujet de discussion et marqueur d’appartenance sociale.

On comptabilise dans le monde…

  • 1 milliard d’interactions par mois sur Facebook
  • 250 millions de posts (38% de instagrammers visionnent du contenu food et 27% en partagent) sur Instagram
  • 2 milliards de recettes partagées (Plus de 100 millions de « Tableaux » y sont recensés autour du manger) sur Pinterest
  • Tandis que sur Youtube, c’est la 5ème catégorie la plus regardée dans le monde

La France ne déroge pas…

  • 2,1 millions de tweets autours de l’alimentation sur Twitter

Tout aussi valorisant pour l’industrie agroalimentaire, tous ces jeunes cerveaux bien faits qui renoncent à des carrières dorées pour se lancer dans la « Food tech » ou la « Food » tout court : dans la Silicon Valley, l’un des premiers secteurs de recherche actuellement est l’agroalimentaire. Plus près de nous, on assiste quotidiennement à de nouvelles naissances : fermes urbaines, commerces Zéro emballage, boissons aux ingrédients Superfood…

Après tant d’année, il faut faire le bilan

Actuellement, on voit fleurir de partout des engagements vertueux. Cleaning de l’offre actuelle ou innovations « vertes ». Un conseil : pas de précipitation ! les marques ne peuvent s’offrir le luxe d’une versatilité sans fondement. Elles doivent puiser dans leur ADN et faire d’abord leur bilan à 360° avant de décider de leurs nouvelles orientations.

On ne saurait trop recommander aux dirigeants d’entreprise de réaliser un diagnostic en profondeur de leur marque sous toutes ses facettes, à savoir, tout ce qui l’a façonnée au fil des décennies : son terroir, sa genèse, son offre actuelle et passée, les hommes et les femmes qui la font vivre, son outil industriel, ses sources d’approvisionnement, ses modes d’expression quels que soient leurs formes… Cet exercice d’introspection permettra d’identifier les jalons du nouveau cap à suivre pour les prochaines années.

Rome ne s’est pas faite en un jour ! On comprendra que les marques ne puissent afficher une vertu sans faille du jour au lendemain du fait des investissements conséquents qui seront nécessaires. Il faut s’accorder du temps pour les changements et en gagner en affichant d’ores et déjà tout ce qui est bien fait. Mais le maître mot doit être la sincérité. Le « Green washing » peut avoir son effet de mode mais le retour de bâton sera d’autant plus fort s’il ne s’appuie pas sur de vraies « Raisons d’y croire ».

Bénéfice collatéral d’une démarche vertueuse, les marques sont gérées par des hommes et des femmes qui – à leurs heures perdues – sont aussi des consommateurs et des parents. Là encore, nous mesurons à quel point la motivation des équipes en interne est grande lorsque les sujets traités concernent l’environnement, les nouveaux usages, les nouvelles filières…

OA